J – Le mot d’Hubert

C’est désormais la coutume : à chaque spectacle de la compagnie Coloquinte, Hubert Moreau, spectateur assidu, vous propose de partager sa lecture de la représentation à laquelle il a assisté.

Réjouissant et enrichissant !

A propos de Lysistrata

REFROIDIR  LE  FÛT  DU  CANON …
 
Actrices et acteurs, j’ai bien ri en votre (Coloquinte) Compagnie ce dimanche 1er mai 2022 au Kursaal de Besançon.
 
J’ai bien ri, Christophe Vincent, de ta mise en scène, de tes inventions et de la manière dont tu as respecté un très vieux texte,
tout en le rendant nerveux, abrégé, essentiel, fidèle, sans nous épargner ni l’émotion, ni les grasses blagues douteuses
et les gros jeux de mots de dessous les jupettes fendues et autres ceinturons de bas-ventres pas toujours au repos.
 
J’ai bien ri avec toi, mon vieil Aristophane, de ton théâtre antique venu du fond des siècles, de ta pièce écrite il y a, comptez bien, 411 + 2022 = 2433 ans et qui pourtant brûle d’actualité.
 
J’ai bien ri avec vous, Lysistrata et ses hellènes copines, qui décidèrent de résister et sûtes enfin l’ouvrir
(je parle de vos cœurs, je parle de vos bouches) alors que le compas de vos tendres gambettes, jusqu’alors accueillantes
aux plaisirs partagés avec vos mâles maris guerriers, vous aviez décidé, ce compas, de le garder fermé, collé, serré.
 
Fermées, collées, serrées les gambettes. Ils en souffrirent les mecs mais vous aussi, grecques dames au régime sec.
La preuve : plus d’une d’entre vous, également privée-frustrée comme ses sœurs, aspirait gémissant à de nouveaux transports.
La paix n’eut pas de prix mais elle avait un coût, hors coup. Avouez que se coller à une échelle, avec elle danser, contre ses
barreaux se frotter, ça ne fait tout de même pas le même effet que le repos du guerrier avec un vaillant soldat auparavant
bien monté (au front), démobilisé, doux amant, époux et père redevenu.
 
Oui, j’ai bien ri. Nous avons ri. La salle était pliée. Il n’empêche…
 
Pendant toute la pièce je songeais à d’autres femmes, je pensais à un pays d’Europe, proche de nous, victime d’une guerre infâme.
Comment ne pas penser à toutes les femmes réfugiées d’Ukraine avec leurs enfants, tandis qu’au loin au pays le mari combat.
Au pied de notre Citadelle, tout près de nos fortifications ornant le Doubs, à La Roche d’Or et ailleurs, des réfugiées sont là.
Les services publics opèrent ; des associations qui nous sont chères s’activent en silence sans chercher nul projecteur TV
ni bienveillant article dans notre presse quotidienne régionale.
 
Comment ne pas penser aux femmes ukrainiennes ?
Comment ne pas penser de même aux mamans russes enkystées dans un silence soviétique et menteur ?
Elles ne savent même pas que leur petit, hier encore pendu à leur sein, est parti pour une sale guerre.
Là-bas, il détruit, il tue, il viole et puis il est tué. Et maman ne le sait pas.
 
Lysistrata, Aristophane, revenez ! Christophe, les Coloquintes, ne lâchez rien !
 
Hubert Moreau, 12 mai 2022

UN  CERCLE  DE  CRAIE … BISONTIN

d’après  Bertolt  Brecht

par  Christophe  Vincent  et  la  Compagnie  Coloquinte

au  Petit-Kursaal  de  Besançon, le 17 Février 2019 

 

Cinémascope en sous-sol

J’aurais bien vu, sur le plateau de tournage, un réalisateur excité sous sa visière et ses lunettes fumées, en bottes de cuir et culotte cavalier, énervé, hurlant des ordres dans un porte-voix à des acteurs terrorisés, vieux cabots alcoolisés sur le retour ou starlettes tremblantes.

J’aurais bien vu trainer des câbles partout, d’énormes gamelles pour les éclairages, le chemin de fer d’un travelling, des fumigènes, un perchman perclus d’avoir trop levé les bras, un ingé-son, une script, un petit chien bien dressé comme dans The Artist, une lourde caméra bruyante, la coiffeuse, la maquilleuse, quelques stagiaires subissant le martyre et puis la star capricieuse qu’on convainc de sortir de sa caravane US argentée, métallique, oblongue.

J’aurais bien vu à l’arrière du plateau, de gros messieurs ventrus avec cigares, borsalinos et costumes rayés en train d’évaluer le coût de la production tout en surveillant leur montre-gousset.

Je me serais bien vu au centre du plateau assis sur un fauteuil pliant en bois et noir tissu avec mon nom inscrit sur le dossier en lettres blanches.

Je me croyais à Hollywood, à Cinecittà, aux studios de la Victorine ou à ceux de Boulogne-Billancourt dans les premières années du cinématographe parlant ou au mitan du XXème siècle.

Mais non, contrairement aux apparences, nonobstant l’écran 16/9ème en fond de scène, malgré l’agitation, la musique descriptive, les dizaines d’actrices et acteurs (pour un peu on l’eût cru), malgré les machinos, les nombreux décors trompe l’œil peints sur bois, côté pile un palais, une église, côté face une masure, un glacier, côté cour et côté jardin en contrebas de la scène plusieurs portants chargés de cintres et de vêtements, coulisses ouvertes, joyeux bordel minutieusement réglé, non, nous n’étions pas au cinoche, nous n’étions pas sur le tournage d’un film, nous étions au théâtre dans la salle du Petit-Kursaal à Besançon.

 

 

Bertolt en Géorgie, ça déchire

            Nous étions là pour une représentation d’Un Cercle de Craie (Caucasien) d’après Bertolt Brecht, sur fond d’une reprise du récit biblique du Jugement de Salomon relaté dans le Premier Livre des Rois au chapitre 3, versets 16 à 28.

Pendant deux heures ou un peu plus, cela s’est beaucoup déchiré sur scène. On se déchirait la propriété du théâtre, on se déchirait le pouvoir, on se déchirait l’argent, on se déchirait l’enfant ; on se déchirait pour le pain, le lait, le statut, la justice, les domestiques, le linge fin. Il en est peu qui partageaient, mais les gens de peu surent le faire avec noblesse. Ils en furent récompensés enfin !

Entre temps nous avions eu le loisir d’être émus et de rire aussi sans sombrer une seconde dans l’ennui.

 

Vous êtes Juif, Salomon ?

            Pas d’ennui évidemment dans une salle pleine. Bonheur de retrouver comédiennes et comédiens de Coloquinte, amateurs affutés et bosseurs qui se font plaisir en jouant et nous incitent à être en connivence. Nous ont amusés tel ou tel clin d’œil au public dans la narration, la mise en scène, des allusions. Un peu, pas trop, juste ce qu’il faut pour détendre et faire que se joue la comédie.

Mais il y eut aussi un autre plaisir plus grave et totalement bienvenu. Il vient des références à Brecht et au Jugement de Salomon. Cela fait un bien fou, en notre période troublée où l’antisémitisme fait un retour en force et à grande vitesse dans notre société amnésique violente qui trop facilement glisse vers la barbarie et se ligue lâchement en LOL ou Mort de Rire.

Cela fait du bien de se rappeler le patrimoine humaniste que sont les vieux textes de la bible hébraïque, le roi Salomon et son fameux Jugement. Histoires dites saintes, mythes ou légendes, qu’importe ! Ces traditions orales, ces vieux textes n’auraient-ils pas quelque chose à nous apprendre ?

Cela fait du bien aussi de se souvenir de Brecht et de s’y référer en nous remémorant une autre de ses pièces où il disait que : « Le ventre est encore fécond d’où a surgi la bête immonde. » Cf. La Résistible Ascension d’Arturo Ui.

Pour faire reculer la saloperie, il ne faut rien négliger, rien oublier.

 

Prendre un enfant par la main

            Plutôt que de chantonner « Prendre un enfant par la main » ou d’improviser un « J’la voyais déjà en haut de l’affiche », je pourrais rappeler que « les chiens ne font pas des chats. »

Certes, parmi la troupe de Coloquinte, nombreux sont les sociétaires qui fréquentent encore l’école et redoublent les mêmes classes depuis des années. A leur décharge, rappelons qu’ils ou elles sont souvent instits, profs ou le furent. On note par ailleurs que la plupart des comédiennes et comédiens de la Compagnie additionnent quelques heures de vol, des années de bureau ou de tréteaux. Ce ne sont plus ni poussins de l’année, ni petits écoliers. On les sent jeunes toutefois. Mais …

Mais, fait inouï, le millésime 2019 nous donne à voir deux enfants sur scène, prénommés Michel.

Le premier, tout bébé, est invisible, emmailloté, personnage central, présent couché mais inerte. Lors des scènes finales, Michel a grandi et a bientôt huit ans. Michel bouge, s’agite, court et saute, brûlant d’impatience de brûler les planches : « Ça y est, c’est à moi. Je peux y aller ? » La jeune actrice qui joue le rôle de Michel est excellente, amusante, vivante, bien pilotée par diverses actrices, ses marraines de scène.

Si j’avais le bonheur et le talent de savoir mettre en scène, si j’étais son père ou son grand-père, j’en prendrais grand soin et ne la perdrais pas de vue pour la distribution de mes pièces prochaines.

A Romi, à ses parents : félicitations et merci !

 

A qui appartient le théâtre ?

Une question se pose au tout début et à la toute fin de la pièce : « Mais à qui appartient le théâtre ? » Sans être expert, et sans qu’il soit besoin de juge ou de débat, j’ai la réponse.

Il appartient aux comédiens, il appartient aux spectateurs.

Il appartient à l’enfance.

 

Hubert Moreau

18 Février 2019

 

 

 

A propos du spectacle « Que d’Espoir ! », adapté des textes d’Hanoch Levin et mis en scène par Christophe Vincent …

Que d’espoir, Christophe … 

qui « castigat ridendo mores » !  (1) et qui « sort les paillettes et divertit quand la menace se fait sentir » (2)

 

Qui a dit : « Le silence qui précède Bach (ou Mozart, ou Beethoven…), c’est déjà du Mozart (ou Beethoven, ou Bach…) ? » On pourrait dire de même : « Le silence qui suit la voix chaude de Jean-Pierre dans les chansons de Pierre Louki, c’est encore du Louki-Bolard ». Ça, c’est de moi, of course ! Mais où veux-je en venir avec ces réflexions mêlées et allusions ad hominem ?

A ceci qui m’a frappé le 28 octobre dernier en soirée au Kursaal de Besançon en attendant que débute le spectacle « Que d’Espoir ! » proposé par la Compagnie Coloquinte : la mise en scène d’avant le spectacle mis en scène par Christophe Vincent, tandis qu’on attend et qu’il ne se passe quasiment rien, c’est déjà du Christophe Vincent.

Il n’est pas là, on ne le voit pas, on ne le voit jamais du reste, il ne se passe rien … ou presque, on attend, mais sans ennui, on ne voit rien … ou presque, mais il est là, on sent sa patte, on renifle son odeur et son utilisation des espaces. La salle est à moitié vide et peu à peu se remplit, laissant devant nous sept ou huit rangées de sièges qui resteront vides pendant tout le spectacle.

Vides, que non !

Avant la pièce, bien avant que le noir ne se fasse : d’élégantes ouvreuses, de noires robes vêtues, vous placent, aimables, souriantes, s’enquérant de votre bien-être, elles vont et viennent. Et vous faites mine, bien sûr, de ne pas reconnaître les actrices.

Avant les trois coups et le lever de rideau (ou plutôt en absence de coups et de rideau) : un pékin perdu au centre, au milieu des sièges vides, avec son bob ou sa casquette et son air déjà niais qu’il gardera savamment niais durant tout le spectacle. Excellent acteur (comme tous les Coloquintes) : de face, de profil, les yeux côté cour, les yeux côté jardin, même de dos il a l’air niais, désemparé, perdu, dépassé, décalé, en avance d’un retard.

Avant le lever de rideau toujours : deux agents de sécurité, de noir vêtus eux aussi, la mine patibulaire (pas tibulaire … mais presque). Ils vont, viennent, vous fixent, esclaves inutiles, sérieux, rajustant sans cesse l’oreillette, parlant discrètement (ou pas) à leur micro manchette.

Je vous le disais : avant le spectacle « Que d’Espoir ! » de Hanokh Levin présenté par la Compagnie Coloquinte, dans une mise en scène de Christophe Vincent, quand il ne se passe rien, on le sent bien, le rôle joué par l’espace vide, la présence muette de quelques individus, la fébrilité souriante et l’empressement des ouvreuses, c’est déjà du Christophe Vincent.

Ça y est vous êtes dedans, vous vous êtes fait choper !

Et bien davantage encore par la suite quand le spectacle commence ; quand la musique donne (donne, donne) ; quand le bus de touristes s’ébranle ; quand les cadavres saignent ; quand la Lumière fut ou ne fut pas ; quand le crooner croone et leonard-cohenise ; quand la bavarde tante visiteuse ne cesse de parler, se racontant elle et elle seule devant le blessé muet ; quand les danseuses lèvent la jambe, cabarètent et french-cancannent ; quand l’obsédé sexuel hot-dogue ; quand les censeurs censurent ; quand les siamoises se portent et se défient ; quand le pisseur se fait cocufier ; quand drague le dragueur ; quand le fils soldat révolté règle son compte au père général d’opérette ; quand la dame pipi-caca hurle et hystérise (horresco referens, je ne la connais plus) ; quand la concierge excédée abat le client de l’hôtel sur l’autel de la réception ; quand la terre n’est plus ronde et l’Australie rayée de la carte (mais oui, mère d’élève autruche, idiote et naïve, foi de Potroush !) ; quand le chirurgien célèbre et haut de gamme devient serpillère ; quand les bons riches consolent ce salaud de pauvre qui va très bien, merci ! ; quand le dur et scientifique béton redevient sable et s’écroule ; quand ça grouille et s’agite de partout, deux heures durant, attente comprise (un conseil, arrivez tôt !)

Quand, quand, quand … quand tout ceci et cela et d’autres choses encore s’étalent devant vous qui riez et pleurez, on est bien en Compagnie de Coloquinte et c’est bien du Christophe Vincent, du vrai, de l’AOC, du 2017, excellent millésime …

Hubert Moreau, le 31 octobre 2017 (3)

(1)« Castigat ridendo mores » Horace ou Plaute, formule reprise par Molière. Elle [la comédie] corrige les mœurs en riant.
(2)Citation de Christophe Vincent : « En tant que metteur en scène, je me suis posé la question de la censure dans le monde d’aujourd’hui. J’ai voulu imaginer un cabaret quelque peu clandestin où l’on se cache pour dire les mots, les jouer, les chanter… Et quand la menace se fera sentir, on sort les paillettes et on se ‘divertit’ ! »
(3) Veille de la Toussaint, jour d’halloween, avant-veille du Jour des morts, sans compter la Saint Hubert le 3 novembre (patron des chasseurs) et le 11 Novembre qui pointe (fin d’un massacre historique) d’où peut-être le côté saignant de quelques lignes.

 

A la question souvent posée : »Pourquoi Coloquinte comme nom pour une Compagnie théâtrale ?? », nous avons demandé à Hubert Moreau, pourfendeur de mots, manipulateur de formules, magicien de la syntaxe et grand ami de la Compagnie, de nous concocter une série de textes visant à faire comprendre le pourquoi du choix d’une plante, agréable à la vue mais toxique à la dégustation, comme symbole de notre troupe. Bonne lecture et mille mercis à Hubert pour ces réjouissantes lignes offertes.

Pour la Compagnie  C O L O Q U I N T E

Acte  1.  Pièce en un acte « Propos d’après spectacle ». L’action se déroule de nos jours en Franche-Comté, à Besançon par exemple, un soir à la sortie du Kursaal.

. Scène 1. Journaliste cultureux, en coup de vent, à l’adresse d’une actrice : « J’aime beaucoup ce que vous faites et je vous suis depuis 10 ans ! Mais au fait, Compagnie Coloquinte, pourquoi Coloquinte ? Vous z’êtes des z’écolos ou quoi ? J’peux pas rester, je bois juste un coup et j’te tape la bise, tu t’appelles comment, déjà ? »

. Scène 2. Couple d’âge mur. Simone à sa cousine actrice qui joue dans la pièce : « Alors là bravo ! Votre Emission de Télévision (Vinaver), on en prend plein la vue. C’est écran total. En plus pour des amateurs, vous êtes des vrais pros. Mais comme  disait mon Roger : ‘’ Comme que comme, pourquoi vous vous appelez Coloquinte ? Ça fait pas théâtre. Ça ressemble à rien ! ’’ »

.  Scène 3. Trentenaire cinéphile : « Leur Jeu de Massacre (Ionesco) ça castagne, ça disperse, ça ventile. Ça fait mal, mais alors qu’est-ce qu’on rigole ! Le nom de la troupe ? Alors là je ne me rappelle plus. Ah si, Coloquinte. Coloquinte ? Coloquinte… Il y a surement un sens caché là-dessous. Attends, je vais demander au type qui ressemble à Dussolier. »

. Scène 4. Elue locale : « Les garces de chez Lagarce, elles sont trop ! Et puis l’ivrogne, et puis la vieille, et puis la chef, et puis la grande, et puis le mou, et celle qui pète les plombs, et tous ces tarés plus vrais que vrais dans les Prétendants, c’est saignant. On rit, on pleure, on reconnait des gens, c’en est gênant. C’est du sucré-salé, leur truc. »

. Scène 5. La troupe des actrices et acteurs, bras-dessus bras-dessous à l’avant scène, puis dans la salle avec leur public, les traits tirés de s’être défoncés, souriants et roses de satisfaction, heureux d’être applaudis, s’efforçant à la modestie face à leur metteur en scène lucide, exigeant mais ravi. La troupe donc, de répondre en chœur ou à chacun sa manière : « Eh bien oui ! C’est ça Coloquinte. La fleur est belle, le fruit est appétissant, la couleur agréable, la forme ronde et lisse. Mais la saveur en est amère, qui irrite et gratte parfois,  qui fait l’effet d’une purge. »

Noir. Rideau.

Acte 2. Explications complémentaires : définitions de Coloquinte dans une approche pluri-disciplinaire.

. Grammairien : coloquinte et colloquinte dès 1522, emprunté au latin colocynthis, lui-même emprunté au grec  κ ο λ ο κ υ ν θ ι ́ ς . Peut être traduit par : « qui a la forme d’une tête ».

. Historien : la coloquinte est citée sous le nom de Coloquintida dans un acte législatif daté de l’an 812 préconisant la culture d’un certain nombre de plantes potagères. Elle est recommandée pour les jardins du royaume. D’après la Bible, des sculptures de coloquintes ornaient le Temple de Salomon à Jérusalem. Elle aurait été cultivée déjà à l’époque des Assyriens.

. Botaniste : la coloquinte est une plante herbacée, annuelle ou vivace, rampante ou grimpante, originaire des régions désertiques sablonneuses d’Afrique du nord et d’Asie occidentale. Ses longues tiges munies de vrilles portent de larges feuilles découpées en lobes profonds et des fleurs jaune pâle, qui apparaissent l’été à l’aisselle des feuilles.

. Fleuriste : la coloquinte est cultivée dans les jardins pour la beauté décorative de ses fruits, gros comme des oranges, dont la teinte varie du jaune clair au roux. Vidés de leur pulpe intérieure spongieuse, les fruits se conservent tout l’hiver et ont une valeur ornementale. Attention :
de nombreuses personnes cultivent des coloquintes dans leur jardin parallèlement aux courges comestibles. Cela n’est pas tout à fait sans danger, car les coloquintes contiennent généralement de la cucurbitacine, une toxine naturelle pouvant provoquer une grave intoxication.

. Médecin toxicologue : Hippocrate recommandait déjà les fruits de coloquinte pour se purger. Laxatif violent, anti-rhumatismal, vermifuge, utilisé pour les infections de la peau, la jaunisse, les rhumatismes et les maladies urinaires. On l’utilisa jusqu’à la fin du XIX ème siècle lorsqu’une révulsion violente était nécessaire, apoplexie, congestion cérébrale. Pour les personnes qui étaient mordues par une vipère, les Arabes donnaient un breuvage composé d’ail et de coloquinte broyé dans l’eau. Cette plante est reconnue toxique et amère.

. Vétérinaire : la pulpe du fruit de la coloquinte, blanche, de saveur très amère, est utilisée comme purgatif drastique, surtout en art vétérinaire.

. Ethnologue : la coloquinte est utilisée par de nombreuses peuplades (notamment en Irian-Jaya et Papouasie Nouvelle-Guinée) pour confectionner des étuis péniens (poche à urine masculine et/ou cache-sexe).

. Linguiste synonymiste : en lieu et place de ‘coloquinte’ les emplois les plus fréquents sont citrouille, courge, calebasse, chicotin, concombre et enfin tête.

. Linguiste argotiste ou argotologue : en lieu et place de ‘tête’ dans l’argot français on trouve gueule, tronche, boule, citron, bobine, caboche, binette, trogne, poire, bille, ciboulot, cabèche, calebasse, cafetière, fiole, caillou, trombine, portrait, carafon, trognon, citrouille, et … coloquinte.

. Acteur ou actrice de la Compagnie Coloquinte, metteur en scène, électro, machino, costumière :    « Ça va on a compris ! D’accord, la coloquinte est une plante cucurbitacée proche de la pastèque. Elle fait un peu grosse tête. Elle donne de beaux fruits jaunes aux vertus purgatives. Pour autant ne nous prenez pas pour des courges laxatives. Nous ne sommes pas là pour vous faire chier. Nous sommes là pour vous faire rire. Nous sommes là pour nous faire plaisir et vous faire plaisir. Et, sans prétention, nous sommes là aussi pour qu’existe le spectacle vivant. Nous sommes là pour penser et parfois pour résister. »

Acte 3. Pourquoi la Compagnie Coloquinte porte-t-elle ce nom ? Si vous insistez encore, je réponds en alexandrins. Tant pis pour vous.

Courez, si m’en croyez, au savoureux spectacle

Qui de mémoire humaine oncques ne fut débâcle

Donné par une troupe d’amateurs bisontins

Qui jouent comme des pros côté cour et jardin.

Le nom de cette troupe, joyeuse compagnie,

Fleure bon la nature et la fleur jolie,

Mais la plante est menteuse à la douceur feinte

Le nom qu’elle a choisi ? Je l’écris : Coloquinte.

J’entends déjà vos cris, devine les questions :

Et comment ça s’écrit ? Et c’est quoi ce beau nom ?

Alors je vous l’épèle : colo, c – o – l – o

Puis un q, puis un u, car pas de q sans u

A suivre un i, un n, un t, le e, c’est clos.

Mais cela ne dit pas le pourquoi du comment.

Il faut être vicieux pour tromper les manants.

Où vont-ils chercher ça ? Ils doivent être barjots,

Errer de la coulisse, yoyoter du tréteau !

Sont-ce des révoltés, sont-ce des écolos ?

Le nom de Coloquinte est de fait très beau,

Encore faut-il savoir ce que cache le mot.

Dites-le, saltimbanques, et nous crierons bravo.

Citrillus colocynthis, en français coloquinte,

Plante de la famille des cucurbitacées

Est jolie au regard, admirez-la sans crainte.

Son fruit est presque rond, de coloris variés.

Comme décoration, en sphère ornementale,

Usez-en à foison, son effet vous emballe.

Mais de son fruit jamais ne dégustez la chair.

C’est un met défendu, sa saveur est amère.

L’odeur nauséabonde viendra vous irriter.

Ce puissant purgatif va vous empoisonner.

Vous irez, vous irez aux cabinets d’aisance

Bien vite vous vider, il est d’autres plaisances.

Amis des synonymes, sachez que coloquinte

Est aussi calebasse, concombre ou chicotin,

Citrouille, courge encore et puis la tête enfin.

Vous comprendrez bien vite qu’une troupe Citrouille

Ou baptisée Concombre manquerait de maintien.

Mieux vaut la poésie et un peu de mystère

Pour combler un théâtre et ravir le parterre.

Mais vous aurez saisi que, par son répertoire,

La troupe Coloquinte nous réjouit, nous ravit

Et ne nous laisse pas somnoler comme un loir.

Elle veut réveiller, nous piquer, nous gratter.

Le dehors est joli et l’on va rigoler.

Mais on va tout autant réfléchir et penser.

Le spectacle est vivant pour que nous le soyons.

Assis, au chaud, bien sûr, ensemble nous rions.

Puis le beau nous inspire et peut nous embarquer

Aux rives inconnues qui nous feront changer.

____________________________________________________

L’auteur de ces lignes remercie en vrac quelques obscurs universitaires, deux ou trois sites accessibles, Michel Audiard, le Centre national des ressources textuelles et lexicales, Alain Rey et le Grand Robert (pas le beau-frère à la Simone, mais celui de la Langue française, 2ème édition 2001, tome II, page 289).

Il remercie surtout la Compagnie Coloquinte pour le plaisir souvent partagé et la longévité conjugale sauvegardée grâce à de nombreuses soirées solitaires. Mais quand on aime (lire et écrire) on ne compte pas.

Hubert Moreau, le 30 novembre 2013.

 

A la suite de la représentation de « Willy Protagoras enfermé dans les toilettes » le 18 novembre 2106, Hubert Moreau nous a envoyé ce texte :

La Compagnie Coloquinte à la selle : Oxymore, contrepèterie

Willy Protagoras s’enferme dans les toilettes, ultime refuge. Son entourage ne comprend

pas. Ce jeune homme rebelle, amoureux, peintre naïf, saugrenu bloque l’accès des chiottes à

sa famille et aux squatteurs envahissants. Il s’enferme par amour absolu de la liberté : liberté

de création, liberté d’aimer, liberté de partir loin de l’impitoyable, risible et merdique

théâtre familial.

Jamais la Compagnie Coloquinte ne s’est donnée à voir si forte, portant avec panache son

beau nom de plante belle et purgative. On est dans l’oxymore pendant deux heures quinze.

Pour expliquer le mot si nécessaire, les gens de théâtre vous citeront Corneille : « Cette

obscure clarté qui tombe des étoiles / Enfin avec le jour nous fait voir trente voiles. »

Obscure clarté, folle sagesse, réalité virtuelle … autant d’oxymores.

Oxymores à la pelle avec Willy Protagoras et Coloquinte dans une mise en scène de

Christophe Vincent :

. Willy enfermé pour être libre

. la mère a enfanté et aimé son enfant, elle le pousse à la mort

. les pères ennemis d’abord s’unissent dans la haine

. les réfugiés accueillis se font envahisseurs

. les accueillants trahis

. les propriétaires exclus

. des dessins tracés à la merde

. des grossièretés sans nom et de la poésie

. révolte des uns et apathie des autres

. vieux cons blasés et jeunes idéalistes

. voisins sirupeux mais envieux.

Pour nous spectateurs, l’oxymore est contagieux : nous sommes dans la nef de l’Espace

Notre-Dame à Salins-les Bains, au transept face aux toilettes puis dans les chiottes,

objectivement c’est long mais ça passe vite, on rit et on pleure, on est ému et on voudrait

cogner, on est prisonnier des toilettes et on veut voir la mer, on n’en peut plus de tant de

merde et soudain on a une apparition céleste, les suicides nous heurtent mais la mort est

délivrance.

L’auteur nous le dirait mais je subodore que le choix des patronymes joue aussi de

l’opposition voire de la contrepèterie :

. Willy c’est le bien mignon diminutif de William, le petit Guillaume, mais il est bien loin

d’être mignon, ce jeune emmerdeur.

. Protagoras nous amène au philosophe antique de la famille des présocratiques et aux

sophistes, « l’homme étant la mesure de toute chose ». Agnostique et relativiste, ayant dû

fuir la cité à cause de ses idées, il reste actuel par certains de ses aspects. Il est philosophe

en tout cas et ne manque pas de réfléchir. Quand on voit la gueule du père Protagoras dans

la pièce et sa délicatesse insigne, cela ne laisse pas de nous faire rêver.

. C’est dans le nom de la famille Philisti-Ralestine que je veux détecter la contrepèterie de

l’auteur libanais en songeant aux philistins de l’antique Palestine et au rififi en Palestine.

Sur qui occupe le territoire de qui aujourd’hui ou sur ce que sont les alliances vraies ou

fausses dans l’actuel Moyen-Orient, je ne saurais rien dire. Ces questions sont trop sérieuses

ou douloureuses pour être abordées par un béotien.

Je sais néanmoins qu’être traité de philistin n’est pas vraiment un compliment.

Lorsque l’auteur Wajdi Mouawad – qui a fait montre d’encouragements et de sympathie à

l’égard de la Compagnie Coloquinte – viendra la rencontrer, nous serons là avec plaisir pour

le remercier et obtenir réponses à nos questions.

Bravo la Compagnie !

Hubert Moreau

26 novembre 2016

Merci Hubert pour ces beaux mots qui nous vont droit au cœur !!

Discours du président aux membres de la compagnie (22/01/2016)

Coloquintes, Coloquintes

En ce 22 janvier 2016 et en tant que Président de la Compagnie COLOQUINTE et en tant qu’ex enseignant des sciences dites naturelles et notamment de la science botanique, je me devais de me fendre d’un discours fondateur de notre Compagnie afin de maintenir le cap et de souder dans la fraternité et la sympathie cette amitié que nous connaissons, pour certains, depuis maintenant treize années.

Vous aurez compris qu’il s’agit du symbole même de notre Compagnie, de cette plante à la fois belle et toxique, boursoufflée de pustules et à jamais inscrite au firmament du théâtre amateur franc comtois et voire plus. Je veux parler de la COLOQUINTE que notre ami, et néanmoins mari de Roselyne, a su dans des textes désormais inscrits au Panthéon de notre Blog, a su disais-je, faire ressortir toutes les significations génératrices de notre philosophie du théâtre, comme dirait l’autre.

La COLOQUINTE fait partie de la grande famille des Cucurbitacées et je m’en voudrais ici  de décortiquer le mot tant il porte à caution voire à rire. Non, point de billevesées et autres jeux de mots bolardiens.

Je préfère en ce jour du 22 janvier 2016 qui, je n’en doute pas fera date pour notre Compagnie, vous décerner à tous un représentant de la Famille des  cucurbitacées, représentant personnel et non échangeable qui sera désormais votre totem et votre porte bonheur.

J’espère que vous aurez à cœur de porter haut et fort ce totem qui représente désormais les valeurs de la Compagnie COLOQUINTE et dont la fierté, n’en doutons pas, rejaillira au firmament du Théâtre franc comtois et maintenant bourguignon.

Vive la COLOQUINTE, vivent les Cucurbitacées, vive Moi !!

André COURGETTE

Désormais les Membres Comédiens de la Cie COLOQUINTE sont (par ordre alphabétique) :

André Courgette – Brigitte Citrouille – Bruno Giraumon – Chloé Concombre – Élise Chayotte – Fred Pastèque – Geneviève Cornichon – Isabelle Butternut – Jean Louis Potimarron – Jean Pierre Pâtisson – Jean Pierre Courge – Jean René Melon – Rose Patidou – Sylvie Potiron.

Réponse d’Hubert Moreau :

Monsieur le Président Courgette,

Retenu par d’autres préoccupations, je n’ai découvert que fort tardivement votre important discours du 22 janvier 2016 aux cucurbitacées qui forment votre cour, votre jardin et votre compagnie.

Je constate avec plaisir que les effets annoncés de la plante purgative que vous avez choisie comme emblème et dénomination sont une fois de plus avérés. J’apprends en effet que Willy sera enfermé dans les toilettes durant presque tout le mois de novembre.

Une évidence s’imposait, vous n’êtes pas passé à côté : lorsque M. Willy Protagoras va à la selle c’est à Salins que ça se passe.
Donnerez-vous ensuite des représentations à Saumur(e), puis dans la cuvette de Fayence et à La Celle Saint Cloud  ?

Bien à vous.

H M

QUELQUES RÉACTIONS APRÈS REPRÉSENTATIONS :


Le lendemain du 3 mai 2015, jour de la représentation Harry au Petit Kursaal, notre ami Hubert Moreau (merci à lui) nous envoie ce petit poème/commentaire élogieux :

ON RIT DE TOUS CES ÉBATS

Une pute à cinquante
La totale à deux-cents
Bien attaché d’abord
Et puis fouetté … encore !
C’est cher, nom d’une pipe
De quoi faire la lippe.

Le mâle dit son dégoût
Car il n’a plus le sou,
La femme à ses côtés crie sa sororité
Pour la gent féminine
Qu’un Harry assassine.

Pourtant dimanche soir
Il nous fut bon de voir
Pour dix euros tout ronds
Un spectacle très bon.

Pendant deux heures c’est vif,
Bien réglé, inventif,
Bourré de psys comiques,
De diable fantastique,
D’écrivain épuisé,
De flash-back annoncés.

Les fantasmes pullulent,
Les névrosés s’enculent
Ou rêvent de le faire
En faisant des prières.

Tout y est de Woody :
Les femmes et le non-dit,
L’Amérique et le fric,
La baise et le trafic,
Les parents, les enfants,
Les athées, les croyants,
Les profs du campus
La question du prépuce,
La mère juive amère
Coincée comme le père.

Retrouvant Coloquinte
Notre joie n’est pas feinte,
Aller vous applaudir
Est toujours un plaisir.
Un mot pour résumer :
C’est inventivité.

H.M., le 5 mai 2015

A la suite de la représentation du samedi 13 avril  2013, un admirateur passionné, toujours notre ami Hubert Moreau,  nous a envoyé ce message enflammé :

Des portes de l’enfer
A moins que ce ne soit
Du paradis souhaité
Des limbes incertaines
Dans le néant plongé
Feu Monsieur Louis
Observait hier en matinée
La Coloquinte troupe
De prétendants acerbes
Aux propos corrosifs
Aux haines bien recuites
Aux garces des deux sexes.

Pour plagier l’adjointe
Pourtant si distinguée
Je ne dirai qu’un mot
Oui, oui je serai bref :
« Mais bon Dieu de bon Dieu
De bordel de merde
Ça commence à faire chier
De voir ainsi ma veuve
  Être par tous moquée
Les procédures bafouées
Les injures voler
Les époux s’engueuler
Les parleurs s’écouter
Les vamps s’exhiber
Les malades exploser
Les alcoolos tanguer ».

Vous nous avez fait rire
On les a bien ciblés
Les vicieux, les tarés
Cultureux, politiques.
Pire, il en est d’aucuns
Qui se sont reconnus.

Buffet ! Bravo !

Hubert Moreau alias M. Louis